Des guirlandes lumineuses et des fleurs blanches décoraient chaque couloir de Poudlard. Des invitations à rejoindre le banquet matinal, soulignant le début des festivités de Samaïn, placardaient les portes intérieures de chaque salle commune. Lorsqu'ils arrivèrent à la grande salle, les élèves furent surpris de découvrir un réaménagement complet. La table du personnel avait disparu, et les quatre tables des maisons avaient été dépouillées de leur décoration habituelle et couvertes de nappes blanches, rendant impossible de déterminer laquelle appartenait à quelle maison. Plus marquant encore, elles ne formaient plus quatre grandes allées, mais plutôt un immense carré aux coins ouverts, afin que l'on puisse circuler à l'intérieur.

Plutôt que d'être distribuée directement sur les tables, la nourriture avait été placée sur un immense buffet circulaire au milieu du "carré" formé par les quatre longues tables. Chacun devait donc se lever pour aller se servir à son plaisir, empêchant les paresseux de rester assis toute la matinée. Les membres du personnel s'étaient dispersés autour du "carré", se mêlant donc parmi les élèves, qui devaient prendre place au hasard. Certes, quelques petits groupes "par maison" s'étaient naturellement formés, mais des audacieux avaient eu le courage de s'assoir à côté d'inconnus.

La nourriture étant déjà servie et les adultes en train de manger, personne n'eut à attendre un certain discours avant de pouvoir se rendre au buffet. Et pour cause, le premier jour de Samaïn s'en voulait un de paix et d'harmonie, où l'on célébrait l'unicité de Poudlard. C'était un banquet célébrant la vie et la lumière, avant le début de la noirceur. Plus tard, lorsque toutes les bouches seraient pleines, les Fondateurs prononceraient un à un des discours pour souhaiter d'heureuses célébrations aux élèves, souligner la fin de la saison claire et expliquer ce qu'ils attendaient d'eux pour les sept prochains jours. Mais pour l'instant, l'heure était simplement à la rigolade.

La jeune Poufsouffle avait été complètement déboussolée à son arrivée dans la Grande Salle. Les élèves avaient beau ne pas être obligés de s’assoir à leur table respective en tout temps, sauf lors de la cérémonie de la rentrée, bien sûr, Nayla n’avait toutefois jamais bifurqué vers une autre table. Elle préférait l’atmosphère des jaunes, et de toute façon, elle ne s’était encore lié avec personne. Il y avait certes eu Deryn, dans les premières années, qui avait passé un peu de temps en sa compagnie, mais c’était encore difficile de la qualifier officiellement d’amie. Il lui arrivait de l’aider et d’être gentille, et la seconde suivante elle la prenait de haut et profitait de sa présence. Bref, Drew était encore très confuse quant à son rapport avec Black.

Et elle n’avait pas d’autres amies. Ce matin, elle se trouvait donc sans repères, devant ces tables blanches. Elle se dirigea donc directement vers le buffet, pour deux excellentes raisons : d’abord, elle avait faim. Ensuite, ça lui permettait de réfléchir à où elle irait s’assoir ensuite, sans rester immobile dans l’entrer et se faire bousculer.

Le service au buffet ne se déroula toutefois pas comme prévu. Alors que Nayla tentait de garnir son assiette de délices, des élèves se bousculaient pour les meilleurs plats. Pourtant, ce n’était pas le choix qui manquait! La table ronde était IMMENSE! Mais il fallait bien que les Gryffondor et les Serpentard se disputent, comme d’habitude. D’ailleurs, ces derniers avaient décidé de ne pas respecter le principe de se mélanger les uns aux autres, et s’étaient appropriés une table à eux seuls, qu’ils avaient garnis de nourriture pour éviter de se rendre au buffet. Ils n’avaient définitivement pas compris le principe d’union en cette journée si spéciale.

Soupirant, Drew s’éloigna de la table avec quelques fruits frais dans son plat, se disant qu’elle se lèverait plus tard pour chercher autre chose lorsque la bataille se serait calmée. En attendant, son regard se posa naturellement sur Lady Poufsouffle. Nayla était tout simplement fascinée par cette femme extraordinaire et aurait été honorée de pouvoir profiter de sa compagnie pendant ce repas singulier, où les professeurs se mêlaient aux élèves. Malheureusement, tous les sièges autour de sa Directrice étaient déjà pris… Elle aurait dû réserver sa place avant d’aller remplir son assiette, zut! Sa seconde intuition fut de chercher Deryn, mais elle la trouva bien entendu à la table « non officielle » des Serpentard. Se mordant les lèvres faute de savoir où s’installer, la Poufsouffle tourna un peu en rond, balayant les visages du regard, à la recherche de quelqu’un d’accueillant avec qui célébrer la vie. Il était plus que temps qu’elle sorte un peu de sa zone de confort, pas vrai?

Samaïn! Voilà enfin quelque chose à Poudlard que Breena pouvait prétendre connaître. Certes, la façon de célébrer de ces sorciers allait certainement différent de celle de sa communauté, mais qu’à cela ne tienne, elle n’était pas trop prise au dépourvu. Les festivités commençaient bel et bien avec un appel à la vie et à la lumière, pour se préparer à traverser les ténèbres. Pour cette raison, Spellan enfila une robe longue, aussi blanche que sa chevelure, puisqu’elle n’était pas tenue de porter l’uniforme scolaire. Après tout, ils n’auraient pas cours pendant toute une semaine, aussi bien en profiter. Certes, la plupart de ses collègues de maison avaient choisi de porter la robe noire habituelle quand même, mais la jeune étrangère était fière de son choix, lorsqu’elle pénétra la Grande Salle et vit que tout était décoré de blanc.

Jouant distraitement avec le bandeau rouge qui retenait sa chevelure de neige derrière ses oreilles, Breena resta longtemps sur le seuil de la salle des repas, à admirer les lumières et le réaménagement. Elle trouvait cette façon d’abolir les différences et les divisions tout à fait à propos pour célébrer Samaïn. La Serdaigle n’avait pas aimé le concept de « maison » pour répartir les élèves, elle qui était habituée à une communauté unie, qui travaillait toute ensemble. Cela lui avait semblé même un peu élitiste… Et là, elle voyait une chance que tous se mélange les uns aux autres… D’ailleurs, ce matin, elle avait décidé de ne pas porter le blason de l’aigle sur sa robe immaculée.

-Tu vas te pousser du chemin, la demeurée? gronda une demoiselle portant l’écusson vert sur sa robe noire, la poussant légèrement de l’épaule pour qu’elle s’enlève du chemin.

Certes, Spellan avait été un moment immobile dans l’encadrement de la porte, mais celle-ci était si large qu’elle ne bloquait pas vraiment le chemin. Toutefois, toutes les raisons étaient bonnes pour s’en prendre à Breena. Celle-ci avait démontré des comportements, des capacités magiques et des croyances qui détonaient fortement de la moyenne des sorciers occidentaux, et par conséquent, on la traitait souvent de folle, de bizarroïde, d’étrangère, et d’autres choses moins jolies à répéter. La blondinette ne s’en faisait pas pour autant. Ces réactions agressives lui permettaient d’étudier la « sorcière ordinaire dans son milieu naturel », et elle trouvait cela tout à fait fascinant. D’ailleurs, elle poussa l’audace jusqu’à aller s’assoir à la table où un grand nombre de Serpentard s’étaient regroupés, en plus de s’être approprié une grande partie du buffet, nuisant à la tentative d’harmonie et de partage que les Directeurs avaient tenté d’instaurer.

-Salut, lança-t-elle platement à une fillette aux cheveux verts, sans demander la permission pour se joindre à leur groupe. Vous savez, je crois que les plats de nourriture devaient rester là-bas, fait-elle simplement comme on énonce une évidence, en pointant la table ronde au centre de la pièce, afin que tout le monde ait le plaisir de se servir soi-même. Vous me semblez bien sombres vous tous, en cette journée de lumière! Souriez donc un peu, c’est le début de Samaïn! Le temps est à la joie et au partage, pas à s’isoler des autres, voyons. C’est bien plus amusant de se mêler les uns avec les autres, pour former une belle grande communauté, vous ne trouvez pas? insinua-t-elle doucement, en se servant pourtant parmi les plats devant elle, sachant très bien que si elle levait les fesses de ce siège, on ne la laisserait plus y retourner.

Rowena avait été parmi les premières à arriver dans la Grande Salle pour s’assurer que tout était prêt avant l’arrivée des élèves. Excessivement méthodiques et perfectionniste, elle ne pouvait pas accepter que quoi que ce soit ne représente pas exactement ce qu’elle s’était imaginé. Elle passa donc son matin à corriger quelques détails, amplifier la luminosité de la salle, embellir des décorations, et réajuster chaque guirlande de lumière au millimètre près.

Les membres du personnel de l’école furent les premiers sur les lieux, lorsque l’aube pointa enfin. Contrairement aux élèves qui allaient bientôt arriver, ceux-ci savaient déjà ce qui les attendaient ce jour-là, si bien qu’aucun ne parut surpris du réaménagement, et tous prirent place au hasard à l’une des quatre grandes tables rectangulaires. Plutôt que de former un amas d’adultes, ils s’installèrent par deux ou trois, en laissant des espaces entre chaque petit groupe, afin d’inviter les élèves à se mêler à eux.

Ce que ceux-ci purent faire aussitôt arrivés. Rowena était l’une des seuls membres de l’équipe à ne pas s’être déjà servi de la nourriture ou assise, et prenait le temps d’expliquer doucement aux esprits les plus confus que le Banque de vie en était un d’unisson, où la couleur de leur badge n’avait guère d’importance. Elle proposa d’ailleurs à ceux qui l’avaient épinglé sur leur robe ce matin-là de le ranger dans leur poche. Ils n’étaient plus des Gryffondor, des Poufsouffle, des Serdaigle ou des Serpentard… Aujourd’hui, ils n’étaient que des élèves de Poudlard, sans plus.

Il y eu bien sur quelque agitation et incidents, mais rien qui ne fut rapidement maîtrisé par l’équipe du personnel. Un rappel fut fait qu’aucune table n’était meilleure que les autres, que toutes étaient disposées à distance égale du buffet, que les maisons n’avaient guère d’importance, et qu’il n’y avait surtout pas urgence à s’approprier les meilleures vivres rapidement, puisque les elfes de maison, juste en dessous, guidés d’une main de maître par la Cheffe cuisinière, ne laisseraient aucun plat rester vide plus de trois secondes. Bref, à grands renforts de paroles calmes et d’explications claires, les Directeurs parvinrent à éteindre les petits feux.

Signalant du chef à Salazar qu’un groupe de jeune de sa maison faisant les « écureuil » en stockant des plats à leur propre table, Rowena sourit en voyant celui-ci rouler des yeux avec exaspération et se frapper le front. Comme il allait se lever, Serdaigle fit un doux geste de la main pour l’inciter à rester assis, l’assurant sans un mot qu’elle s’en chargerait.

-Wingardium leviosa… murmura-t-elle en élevant les mains, sans faire usage de sa baguette, pointant simplement ses doigts vers les plateaux que des Serpentard avaient dévalisés, et qui se mirent à flotter au-dessus de la table des fautifs. Ce n’est pas comme ceci que fonctionne un buffet. Et, pour la cinquième fois depuis ce matin, la première festivité de Samaïn est orientée vers l’inclusion, le partage et la bonne humeur. Je vous prierais de bien vouloir faire comme les autres et briser un peu la dureté de vos rangs. Regardez comme les autres tables s’amusent… On ne voit même plus de couleurs, rappela-t-elle en guidant les plateaux de service vers le buffet, pointant les trois autres tables du même geste.

Effectivement, presque personne ne portait son badge de maison sur les trois autres tables. La plupart des membres du personnel étaient vêtus de blanc, incluant les quatre Directeurs. Bref, nul n’aurait pu dire que l’école était normalement divisée en quatre couleurs. Serdaigle eu un sourire doux et patient en tournant la tête vers le petit groupe très « vert ».

-Et si, pour une fois, nous oublions nos différences pour se concentrer sur ce qui nous unis? C’est là l’âme de Samaïn. Le rang de sang n’a plus de place aujourd’hui, tout le monde se lèvera pour aller chercher sa nourriture, personne n’est plus important que les autres. Bon appétit! conclut-elle d’un ton plus léger en prenant enfin place à une table, s’entourant uniquement d’élèves et non de ses collègues adultes.

Ce jour aurait dû en être un de joie et de bonheur, d’unicité et de partage, mais jamais Nayla ne s’était sentie aussi isolée à Poudlard que ce matin-là. Son enthousiasme envers la nouveauté avait donc rapidement été douché à l’eau froide. En temps normal, s’assoir était facile, elle y allait avec la table de sa maison, sans se poser de question. Elle savait qu’elle y appartenait, et qu’on ne pouvait l’y refuser. Maintenant… elle avait l’impression de ne pas faire partie de la fête… de ne mériter la présence de personne.

Elle fut surprise et sursauta un brin lorsqu’une camarade de maison s’adressa à elle. Il ne fallut que quelques secondes à Drew pour se souvenir de son nom. Il faut dire que la jeune Persici avait tendance à faire parler d’elle, n’avait pas la langue dans sa poche, et cela aidait à ce qu’on se souvienne d’elle. Aussi, Luna avait parlé gentiment à Nayla lors du buffet de la rentrée, et celle-ci s’en rappelait encore. Elle avait été la première personne sympathique à s’adresser à elle dans Poudlard, et même si elles n’avaient pas eu de rapports depuis (puisque l’autre était en troisième) la petite première année en avait gardé un bon souvenir. Cela ne l’empêcha pas de se sentir embarrassée et de ne pas savoir quoi répondre, comme d’habitude.

-Oh je… hum non je… ne veux pas les déranger.. elles… heu… ont l’air en grande discussion déjà… et hum… franchement je… bredouilla-t-elle en rougissant encore jusqu’aux oreilles, embarrassée de s’être laissée surprendre à zyeuter en direction de Deryn, ce qui lui arrivait beaucoup trop souvent à son goût.

À cet instant, elles furent interrompues par Rowena, qui ramenait à l’ordre les Serpentard et dispersait la cohue autour de la table à nourriture. Soupirant de soulagement, Nayla retourna vers la table ronde pour pêcher un pain et du fromage, elle qui n’avait réussi à grappiller qu’une poignée de fruits à sa première tentative. C’est alors que Luna, s’adressant toujours visiblement à elle, commenta comment elle trouvait « aussi » Lady Serdaigle superbe… Zut, avait-elle remarqué le regard rempli d’admiration et d’envie que Drew avait posée sur Dame Poufsouffle? Rougissant encore follement, Drew baissa les yeux sur son assiette, mais suivit malgré tout son aînée de maison, ne sachant où s’assoir d’autre qu’avec celle-ci.

-Oh, non ça va… murmura-t-elle sans regarder sa vis-à-vis. Tu… tu ne m’embêtes pas. En f.. faites je suis un peu sou… soulagée que tu sois venue me parler… bredouilla-t-elle encore en picorant dans son assiette avec un faible appétit qui ne lui ressemblait pas. Je ne savais pas trop où me mettre. Il semble que les buffets nous réunissent, pensa-t-elle à haute voix, doutant soudainement que Luna se rappelle de leur première rencontre.

Après tout, elle n’avait certainement pas dû marquer ses souvenirs, elle n’avait pas été particulièrement impressionnante ce soir-là. Même que, maintenant qu’elle y repensait, Nayla regretta d’avoir évoqué son arrivée à Poudlard. Si elle se souvenait bien, elle s’était mise à pleurer, prise de panique. Ce n’était certainement pas le genre de choses qu’elle voulait remémorer à qui que ce soit. Mais bon, avec un peu de chance, Persici aurait oublié cet incident, hein?

-C… c… comment vont tes c… cours jusqu’à présent? tenta-t-elle de détourner la conversation, sans oublier les bégaiements, bien sûr.

Après consultation avec la majorité des participants de cette animation, celle-ci est déclarée comme terminée