Suivie par les quelques membres de l’équipe de Kwidditch qu’elle avait réussi à former parmi les meilleurs « dompteurs de balais » de sa maison, Lexanne quitta les vestiaires, sa monture à la main, pour fouler le sol sacré du terrain de sport. C’était jour d’entraînement aujourd’hui, mais elle ne parvenait pas à voir, dans le regard de ses recrues, la motivation et la passion qu’elle attendait d’eux. Enfin, pas tous. Certes, quelques joueurs avaient rejoint les jumeaux Weasley en connaissance de cause (ils s’étaient quand même faits un petit nom dans le monde du sport magique avant leur entrée à Poudlard) mais d’autres ne connaissaient rien à rien et il avait fallu tout leur montrer. Finalement, la Cheffe des rouges trouvait qu’elle passait beaucoup plus de temps à botter des derrières pour motiver ses joueurs qu’à vraiment travailler leur stratégie, ce qui l’agaçait beaucoup. Il lui fallait absolument gagner la coupe de la première année scolaire, c’était vital, le nom de sa famille était en jeu, et elle était… un brin déçue des performances de ses coéquipiers depuis le début de l’année…

Peut-être que certains avaient besoin de se faire menacer de perdre leur place s’ils ne bougeaient pas un peu? Mais pour cela, il faudrait encore qu’elle ait des remplaçants potentiels avec lesquels leur faire pression.

-À vos montures tout le monde! On fait quatre tours de piste pour se réchauffer, et…

Lexanne s’interrompit et fronça les sourcils en tournant son regard vers ce qui l’avait déconcentrée. Elle avait perçu du mouvement dans les gradins. Bien vite, elle reconnut la tête de celui des Persici qui avait abouti chez les Gryffondor. Gueule d’ange, comme le suggérait son prénom… mais pas vraiment le tempérament, de ce qu’elle avait pu observer. Secouant la tête en voyant que le minus était là chargé de ses bouquins, la Weasley demanda à son jumeau de diriger l’échauffement et elle enfourcha son balai pour voler, à basse altitude, jusqu’à Angelo.

-Hey Persici, ça a l’air d’une bibliothèque ici? maugrée-t-elle d’un air blasé face à l’accueil trop amical du minus pour son goût personnel. Nous observer? Ce n’est pas comme si j’avais vraiment le droit de l’interdire, le terrain de sports appartient à tout le monde. Mais ce n’est quand même pas pour aller dévoiler nos stratégies de jeu aux autres maisons hein? Avec ta sœur préfète chez les verts, je ne sais pas si je peux vraiment te faire confiance, lance-t-elle d’un ton interrogateur en croisant les bras sur sa poitrine, flottant toujours à environ trois mètres du sol. Je le prends au sérieux, mon rôle de Cheffe, le Kwidditch c'est sacré! Et les Gryffondor doivent remporter leur première victoire à Poudlard, sinon que voudra dire mon nom, hein?

C’était une question rhétorique, bien sûr, elle ne s’attendait pas vraiment à ce qu’il réponde.

-Allez, si ça t'amuse, matte tant que tu veux, mais essaie de ne pas déranger, pigé?

Une part de Lexanne voudrait rester prudente à l’égard du jeune Persici, mais étant elle-même une Weasley, elle est incapable de retenir un sourire devant la répartie d’Angelo. Elle n’est vraiment pas difficile à amuser, aussi gamine dans le cœur que mature sur un balais. Même si Iro n’est pas suffisament « roux » pour qu’elle se permette de le traiter de « petit frère lion », il reste que la capitaine des Gryffondor apprécie ce sentiment d’appartenance à la Maison qui s’est déjà développée chez le jeunnot.

-Rawr, lui réplique-t-elle donc sans se départir de son sourire amusé, plutôt que de lui reprocher sa familiarité légèrement déplacée, parce qu’elle n’est vraiment pas du genre à s’embarrasser de détails diplomatiques de la sorte.

Le gamin lui affirme alors qu’il ne veut pas observer simplement par amusement, mais qu’il est peut-être intéressé à essayer le Kwidditch, ce qui ne manque pas d’allumer une étincelle d’intérêt dans le regard de Lexanne. Certes, elle avait comblé tous les postes de l’équipe, mais certains membres laissaient à désirer... il y en avait au moins un, en tout cas, qu’elle estimait qu’il avait plus d’intérêt à mater les derrières des joueuses qu’à réellement jouer lui-même. Bref, aucun d’entre-eux, outre son jumeau bien sûr, n’avait réellement sa place de garantie dans l’équipe, et tant que Weasley trouverait des participants plus motivés et compétents, ils pouvaient toujours la perdre! Son sport étant encore un peu méconnu dans l’univers des Sorciers, elle avait encore la chance de gagner des intéressés avec le temps.

Se fichant du paternel d’Angelo comme de sa première culotte, Lexanne ignore le commentaire de celui-ci à ce sujet et se contente de répondre d’un hochement de tête. En effet, ce n’était pas qu’un seul voyeur qui allait déranger l’équipe... à condition qu’il était honnête et n’avait pas réellement l’intention de trahir sa maison au profit de celle de son aînée, mais ça, la Weasley osait espérer qu’elle se faisait des idées. Sa première impression des Persici ne lui avait pas donné l’impression qu’elle pouvait se fier à l’un d’eux, mais qui sait? Même les meilleurs font des erreurs de jugement, parfois.

-Très bien, dans ce cas, n’en manque pas une miette, crie-t-elle alors qu’elle s’envole aussi rapidement que lui permet sa monture, laissant déjà derrière elle son spectateur pour rejoindre l’équipe, laquelle termine son échauffement sous la supervision de Fredrick, le co-capitaine.

Aussitôt commence une longue heure de poursuites dans le ciel pour s’échanger le ballon, de tirs aux buts audacieux, et de batailles de forces entre les frappeurs sur le seul cognoir mis en jeu. À l’occasion, Weasley échange des joueurs d’équipe pour rééquilibrer les forces, et parfois même de position afin de voir si l’un de ses membres ne serait pas plus prolifique dans un rôle différent. En jouant l’un contre l’autre, les Gryffondor ont ainsi l’occasion de tester la réalité d’une vraie partie, mais aussi de remarquer leurs propres faiblesses face à un « adversaire ».

Plus ou moins satisfaite de la prestation de son équipe, Lexanne les laisse partir, à bout de souffle, lorsque l’entraînement tire à sa fin. Malheureusement, ils ne peuvent pas tous être des Weasley, pas vrai? Certains joueurs sont là pour les mauvaises raisons, et ça l’agace. Elle ne peut pas se permettre de perdre contre les Serpentard à la fin du mois.

Penser à la maison verte lui rappelle soudain son spectateur. Elle est surprise, en se retournant dans la direction où elle l’avait aperçu en début d’entraînement, de constater qu’il est toujours au poste. Plutôt que de suivre ses joueurs au vestiaire, elle se pose au sol et descend de son balai, sur lequel elle s’appuie ensuite nonchalamment en fixant le Persici dans les estrades, en attendant qu’il descende la voir. S’il souhaite toujours lui parler, bien entendu, ce qu’il semblait sous-entendre plus tôt, en tout cas.