-Comment ça, aller voir la médicomage?! s’insurgea la Cheffe de l’équipe de Kwidditch de Gryffondor. Je vais TRÈS bien, ce n’est pas un nez en sang et de travers qui va m’empêcher de poursuivre l’entraînement.

Ses protestations sonores manquaient d’assurance, puisqu’elle devait essuyer ledit liquide rouge qui lui coulait jusqu’au menton toutes les dix secondes afin d’éviter d’en avaler lorsqu’elle ouvrait la bouche. Pourtant, Lexanne continuait d’essayer de résister devant l’insistance de ses compagnon de jeu.

-Lexy… tu t’ai pris un cognoir en pleine gueule, tu dois aller à l’ail… commença l’un d’eux, avant de se frotter à nouveau au courroux de la rouquine en furie.

-CE COGNOIR ÉTAIT DÉTRAQUÉ! Je vous jure qu’il ne se comportait pas normalement, quelqu’un a dû trafiquer son enchantement, c’est pas possible, je ne l’aurais jamais raté autrement, insista-t-elle avec toute sa fougue habituelle. Et toi, arrête de rire et prend un peu mon bord pour une fois!

C’était son jumeau qu’elle invectivait de la sorte, lui qui n’avait habituellement pas la langue dans sa poche ne faisait que rigoler depuis que sa frangine s’était pris un rocher géant en pleine poire. Voilà pourquoi c’était elle, la Cheffe d’Équipe, et non lui! Monsieur Weasley mit fin à l’argumentation en forçant lui-même sa fille à se rendre dans l’aile médicale, l’escortant pour s’assurer qu’elle n’éviterait pas ce qu’elle semblait considérer comme une punition. Il devait d’ailleurs la traîner par le bras, sans quoi elle se serait enfuit pour retourner sur le terrain. D’ailleurs, elle s’essayait à grands renforts de beaux yeux suppliants et de protestations bien assumées, qui devaient résonner dans tous les couloirs qu’ils traversaient en chemin vers le premier étage.

-Mais Pap!...

-Professeur, comme tout le monde, tu le sais très bien.

-TU NE VAS PAS ME FAIRE ÇA!? Mon balais est resté sur le terrain!

-Fredrick va s’en occuper.

-Ils ont besoin de moi! Je suis leur Cheffe!

-Et moi l’entraîneur, et je te mets en congé forcé, que tu le veuilles ou non, jeune demoiselle.

-Mais tu ne peux pas me rafistoler ça toi-même, maman t’as sûrement montré des sortilèges de…

-La dernière fois que j’ai essayé de la magie guérisseuse sur ton frère, il a passé un mois dans le coma. Tu ne voudrais pas risquer de rater le premier match, hein?

Et ainsi de suite, jusqu’à ce que le professeur de Sports l’abandonne aux bons soins de la médicomage et s’enfuit pour poursuivre l’entraînement des Gryffondor, dont c’était le tour d’avoir accès au terrain. Lexanne grommela en jetant un œil à la ronde. En ce samedi matin ensoleillé, il n’y avait rien d’étonnant à trouver la majorité de l’infirmerie vide. Qui était malade par pareille température? Étonnement, c’était la première fois que Weasley mettait les pieds à cet endroit. Certes, l’année n’avait commencé qu’un mois plus tôt, mais connaissant la jeune femme, c’était surprenant qu’elle n’avait pas essayé de faire semblant d’être nauséeuse (ou même qu’elle ait fait exprès de se faire vomir) juste pour rater des cours. Ou, enfin, qu’elle ne l’ait pas encore fait, car maintenant qu’elle y pensait…

Bref, il faut dire que la sorcière rousse fut donc assez surprise lorsqu’elle vit la médicomage se tourner vers elle, après avoir terminé de discuter avec son (seul) autre patient. Elle était terriblement jeune! Et jolie… Comment se faisait-il que Lexanne ne l’ait pas remarquée pendant l’un des repas? Oh… Peut-être parce qu’elle avait été trop occupée à fomenter des plans diaboliques avec son jumeau, ou encore le nez plongé dans son carnet à esquisses, rempli de tactiques de jeu.

-C’est le cognoir qui est détraqué, lance-t-elle en préambule, comme si ça expliquait tout de sa situation. Sinon je ne l’aurais pas raté. Évidemment. Est-ce que je vais en avoir pour longtemps? L’équipe s’entraîne sans moi, et je ne fais pas confiance à mon frère pour des choses aussi importantes, même si je l’adore, bien sûr.

Elle aurait pu être une élève, facilement! Et si elle l’avait été, elle aurait fait fureur. D’ailleurs, Lexanne pouvait déjà deviner que bon nombre de jeunes hommes allaient prétendre se blesser ou être malade simplement pour venir faire la cour à la sublime médicomage. N’était-ce pas un peu criminel d’être aussi belle? Oh, attention, la rouquine n’était pas jalouse. Admirative aurait été plus juste. Elle-même avait envie de se faire porter souffrante juste pour l’admirer au lieu d’aller en classe. C’était même une fichue excellente idée, sachant qu’elle ferait d’une pierre deux coups en ratant un cours ennuyant.

-Lexanne, se présenta-t-elle lorsque demander, négligeant d’utiliser son nom de famille, ce qu’elle aurait dû faire puisqu’aucun membre du personnel ne les appelaient par leur prénom… mais elle n’avait pas une tête de « membre du personnel ».

Bien que peu obéissante en général et qu’elle n’avait rien voulu savoir de se rendre dans l’aile médicale en premier lieu, Weasley s’assit immédiatement sur la chaise indiquée dès que le lui demanda la belle blonde. La médicoage se présenta à son tour, mais sembla hésiter sur son nom, le changeant aussitôt pour un autre, ce qui briser la fascination étrange que Lexanne avait sur elle pour lui faire froncer les sourcils. Puis, en notant que Rionach avait utilisé le titre de « Madame » et non « Mademoiselle », elle devina que la jeune femme devait être récemment mariée, ce qui expliquait qu’elle n’était peut-être pas habituée à son nouveau nom. D’ailleurs, « Ryland » ne collait pas vraiment avec l’accent de la beauté blonde.

Le temps qu’elle comprenne tout cela, Rionach s’était déjà fait apparaître de l’eau, probablement pour nettoyer le sang sur le visage de Lexanne, qui n’avait donc pas encore eu le temps d’ajouter quelque remarque que ce soit… ce qui n’était pas dans ses habitudes. Celle-ci ouvrit d’ailleurs la bouche pour poser une question (indiscrète, soit dit en passant), mais lâchant plutôt un petit cri, suivit d’un grognement de douleur. Une bonne chance qu’elle était jolie celle-là, sinon Weasley lui aurait certainement coller son poing à la figure pour ne pas l’avoir prévenue qu’elle lui replaçait l’arête du nez, alors qu’elle faisait mine de l’examiner. Malgré ses excuses, la rouquine garda un air sincèrement vexé.

-Je suis plus courageuse que ça, quand même, marmonna-t-elle en pointant le badge de sa maison qui trônait fièrement sur sa robe noire (sur laquelle les taches de sang ne se voyaient heureusement pas !)

Taches qui ne seraient pas restée de toute façon, puisqu’un sortilège de Rionach fit disparaître le sang de son vêtement. Pas sur son visage, toutefois, qu’elle nettoya plutôt manuellement en l’épongeant doucement de son linge humide. Si Lexanne était entrée plus tôt avec l’air pressé de celle qui voulait en finir au plus vite, elle se laissa pourtant faire par la belle blonde. Après tout, celle-ci lui avait tendu une sacrée perche en lui demandant de parler de Kwidditch. Certes, c’était seulement pour la distraire, mais c’était exactement le genre de truc auquel la Weasley était incapable de résister.

-Pour faire simple, c’est juste le seul sport sorcier digne de ce nom. Les sports moldus ont tout à envier au Kwidditch, et tout sorcier qui tentera d’en inventer un plus intéressant va se planter royalement, commence-t-elle avec un air visiblement fier, son sourire en coin creusant sa fossette (pleine de sang) dans sa joue. Et en plus, c’est mon père, enfin le Professeur Weasley, qui l’a inventé avec ses copains quand il était jeune. Alors, pour commencer, ça se joue sur des balais, bien sûr. Sinon, ça ne serait pas drôle. Ensuite, il y a six joueurs par équipe : trois pourchasseurs, qui s’échangent une balle de cuir appelée le Souaffle, et tentent de le lancer dans l’un des trois anneaux de l’équipe adverse. Ces buts sont gardés par un Gardien, continua-t-elle d'énumérer en comptant sur ses doigts pour bien marquer le nombre de joueurs à la novice, ayant maintenant quatre doigts en l’air.

Lexanne ne remarqua pas du tout que Rionach passait son temps à l’examiner et l’analyser, toute concentrée qu’elle était à parler de sa passion. C’est qu’elle le faisait très souvent, à l’époque où ses parents n’avaient pas trop peur de voyager, quand elle voulait transmettre le goût du sport aux autres communautés sorcière. Du coup, elle avait l’habitude de bien résumer le tout, en implantant toute sa passion dans ses propos.

-Oui, j’y arrivais justement, les Cognoirs. J’ai dit que c’est Pap… Enfin, Professeur Weasley qui a inventé le jeu. Mais à l’époque, il n’y avait pas encore de Cognoirs. C’est mon frère et moi qui y avons penser… Bon, en vérité, ce n’étais pas exactement voulu à la base, on avait voulu faire une blague, mais finalement c’est resté. Alors ce sont des rochers qu’on enchante pour qu’ils tentent de désarçonner les joueurs. Ça rajoute un peu de piquants dans le jeu… précise-t-elle avec les yeux qui brillent de manière malicieuse. Où est le plaisir s’il n’y a pas de risque? ajoute-t-elle encore en prouvant qu’elle méritait son badge de Gryffondor. Les Frappeurs, ça c’est moi, sont au nombre de deux, et ont pour mission de protéger les joueurs de leur équipe des Cognoirs, et tenter de modifier leur trajectoire pour atteindre les joueurs adverses… Et c’est là que… J’ai cassé mon nez. Mais ce n’est pas ma faute hein, il était détraqué, ils ne réagissent pas comme ça d’habitude, plaide-t-elle à nouveau, comme si elle essayait de prendre la défense d’un chien ayant mordu un inconnu sans raison évidente. Mais bon, maintenant, tu veux bien me dire qu’est-ce qu’une jolie femme comme toi fait dans le coin? T’es trop canon pour perdre ta vie enfermée dans une école, tu devrais courir le monde plutôt, non? lance-t-elle ensuite en sautant violement du coq à l’âne, avec le tutoiement beaucoup trop facile pour une élève face à un membre du personnel, mais c’était difficile de prendre un autre comportement face à la belle Rionach.

Bien sûr, trop passionnée par son sport, Lexanne n’avait pas douté une seconde que l’intérêt de la médicomage à ce sujet ne relevait que de la pure prudence… La rouquine était trop imbue du Kwidditch pour penser que ça pouvait ne pas intéresser qui que ce soit et que le véritable but de Rionach était en fait de vérifier qu’elle avait encore toute sa tête. Le compte rendu de Ryland serait certainement que le cerveau (pour ce qu’elle en avait) de Weasley était intact. Enfin, elle n’avait pas perdu de neuronne cette fois-ci, ce qui n’était pas nécessairement prometteur pour l’avenir quand même!

En effet, le Kwidditch était devenu un sport dangereux, par sa propre faute, et c’était très bien ainsi. C’était l’adrénaline qui rendait le jeu intéressant, justement, et même si c’était son paternel qui avait participé à l’élaboration du sport à la base, celui-ci n’avait réellement intéressé Lexanne que lorsqu’elle avait décidé de le pimenter un brin. La rouquine eut un petit sourire un peu fanfaron lorsque la beauté blonde mentionna que ce n’était définitivement pas un sport pour les cœurs sensibles. C’était effectivement plutôt un sport de Gryffondor, et la Cheffe des rouges ne doutait pas un seul instant que son équipe allait gagner la coupe à chaque année, ne voyant pas comment les autres maisons puissent être une menace pour elle à ce jeu où la force et la bravoure étaient maîtres-mots!

-Je ne le crois pas, j’en suis certaine, maugréa Lexanne en se tâtant le nez, puisque Rionach avait fini de le tripoter, s’assurant qu’il était à sa position originelle. Sinon, je ne l’aurais pas raté, je suis une pro, moi.

Si ce n’était pas encore clair que Weasley n’acceptait pas les erreurs de sa part, c’était maintenant limpide. Lexanne ne pouvait tout simplement pas s’imaginer que la faute lui revenait pour ce petit accident, après tout, ce n’était pas son premier cognoir! Certes, il lui semblait pratiquement impossible que qui que ce soit ait eu accès aux balles d’entraînements pour les saboter, puisqu’elles étaient toutes rangées dans le bureau de son père, mais ces fichus Serpentard étaient rusés (à défaut d’avoir des couilles), et cherchaient à lui faire des misères depuis la rentrée. Ce que la rouquine leur rendait au centuple, soit dit en passant. D’ailleurs, c’était peut-être elle qui avait lancé la première pierre… elle n’en était plus certaine.

Changement drastique de sujet, gracieuseté de l’intrépide carotte, l’embarras évident de Rionach était aussi beau à voir que sa personne en générale. L’air taquin de Lexanne avait vite fait place à un sourire satisfait. Il n’y avait que peu de choses au monde qu’elle aimait autant que le Kwidditch, et l’une d’entre-elles était de déstabiliser les gens, quelle que soit la technique. Bredouillant d’abord un brin, la médicomage surpris la jeune athlète en lui répondant plutôt qu’en agissant comme la figure d’autorité qu’elle était supposée être et qui aurait dû la réprimander pour sa remarque déplacée. Weasley appris donc que la belle blonde avait été promise en mariage au Gardien des Clés, et donc qu’elle aurait fini dans le coin même si elle n’avait pas été recrutée par Sir Serpentard.

-Nouvellement mariée, hein? répéta-t-elle en se souvenant comment Rionach s’était embourbé dans son propre nom un peu plus tôt. Comment se fait-il que les hommes se donnent encore le droit de décider des vies des femmes au juste? On est quand même au dixième siècle, bon sens… grommela-t-elle pour elle-même, maudissant le manque d’évolution de certaines mentalités.

N’avait-elle pas l’impression de s’être fait voler sa jeunesse trop tôt? Il y avait tant d’aventures qui l’attendait de par le monde, mais elle devait rester près de son époux? C’était trop injuste, pour une beauté telle que Rionach. Lexanne s’apprêtait à ouvrir la bouche pour lui en faire la remarque (s’assurant de l’embarrasser une seconde fois), quand la médicomage annonça que le reste du monde attendrait le congé scolaire et lui demanda si elle avait des recommandations de destinations. Une fois de plus, Weasley eut du mal à la boucler.

-Oh, ça? Ça ne manque pas! Il y a quelques années, on passait notre temps à se déplacer, même si c’était principalement en Occident. Il faut dire que ce n’est pas dans les Marais de Queerditch qu’on peut prospérer de façon autonome, il est nécessaire de voyager pour commercer avec d’autres communautés quand on habite dans un tel trou. Mais c’est aussi grâce à ces déplacements qu’on a fait connaître notre sport dans toute la sorcellerie anglophone. Je crois même que la mode commence à se répandre à l’extérieur de nos cultures. J’espère, en tout cas! Je ne saurais par où commencer, franchement, j’ai vu beaucoup d’endroits. Rome est magnifique, mais fais attention à ne pas exhiber ta magie si tu tiens à ta tête, et puis…

Pendant qu’elle parlait sans s’arrêter, même pour respirer, la guérisseuse termina de nettoyer les taches de sang qu’avait laissé Weasley sur son passage, l’infirmerie redevenant parfaitement immaculée. Le manque d’attention de Ryland sur ses propos déconcentra la rouquine un moment, secondes que la belle blonde utilisa pour confirmer qu’elle ne croyait pas que sa vis-à-vis avait une commotion cérébrale.

-Repoquoi? Hé ho, j’ai la tête dure, ça prend plus qu’un rocher magique lancé en pleine poire pour m’endommager le peu de neurones que j’ai. Alors… Oh, je croyais que ça t’intéressait pour de vrai… se mit à marmonner Lexanne, visiblement déçue, en se relevant d’un coup. Tu me questionnais pour savoir si j’avais toute ma tête. Bien joué, je n’y ai vu que du feu, feignit-elle de s’enthousiasmer bien qu’elle était offusquée de s’être fait berner de la sorte. Alors je ne te ferai pas perdre plus de ton… votre temps, Miss Ryland, se corrigea-t-elle elle-même, se souvenant qu’elle avait affaire à un membre du personnel et non une copine, et que les permissions qu’elle se donnait depuis tout à l’heure étaient déplacées. Je vous recommande quand même de faire bien attention, quand toute l’école saura qu’une déesse de la beauté travaille à l’aile médicale, ils vont accourir pour se faire soigner des blessures imaginaires et essayer de conquérir votre cœur. Oh, j’espère que Sir Ryland n’est pas jaloux? Avec un peu de chance, ça va même motiver le recrutement des équipes de Kwidditch, tout le monde va espérer se faire désarçonner par un cognoir afin d’être vraiment sous vos soins, chanceuse!

Cachant sa déception derrière ses bêtises habituelles, Lexanne poursuivit, le sourire aux lèvres, satisfaite de sa petite « vengeance » ayant pour but de déstabiliser Rionach encore une fois.